Cela pourrait être le début d’un titre de film de Stanley Kubrick, mais pour garder un peu de suspens je vous laisserai découvrir de quoi il s’agit en lisant la suite… Voilà presque un an que je n’ai pas écrit ici, depuis que j’ai quitté mes « grosses » (petit nom qu’on donne aux chaussures d’alpi.) au pont des brebis en redescendant du refuge du Nid d’Aigle en Août 2016. Du temps a passé depuis cet instant la, depuis ce rêve suspendu qu’avait été la traversée de la Meije. Quelques soucis de santé (réparés), quelques soucis intérieurs aussi (en meilleure voie ?), un petit accident de grimpette, puis un retour progressif à la Montagne cette fin d’hiver, notamment en ski de randonnée, en VTT et un passage éclair en cascade de glace. L’appel des cimes étant toujours le plus fort, c’est ainsi que nous sommes partis Laurent et moi pour un séjour de deux semaines dans le massif du Mont Blanc en cette fin juin 2017. Deux semaines, la première pour s’acclimater progressivement à l’altitude, en enchainant des courses toujours plus hautes afin de mettre toute les chances de notre côté pour aborder la deuxième semaine en forme, dans l’attente d’un créneau météo suffisamment long pour réaliser l’objectif du séjour : une grande traversée dans le massif, en enchainant : Dômes de Miage, Aiguille de Bionnassay, Mont Blanc, Mont Maudit, Tacul, Aiguille du Midi et enfin Aiguille du Plan en 4 jours.
Mardi 20 juin : Aiguille Purtscheller
Grand beau et très chaud ce mardi 20 juin. Même à 4h du matin et au 2771m d’altitude du refuge Albert 1er, nous ressentons les effets de la canicule : le regel est médiocre, nous pataugeons parfois dans la neige du glacier du Tour transformée en soupe… Nous partons donc dans la douceur en direction du col supérieur du Tour à 3289m d’altitude. Le col est atteint après environ 2h de marche sur le glacier du Tour et quelques hésitations m’étant complètement trompé de vallon… Le séjour commence bien va falloir que j’apprenne à lire un topo correctement… Bref, nous franchissons le col vers 7h du matin pour basculer sur le versant Suisse et gagner le pied de l’Aiguille Purtscheller, qui tend fièrement sa pointe aiguisée presque 200m plus haut. Nous remontons versant est dans une neige complètement pourrie par le soleil du matin. On brasse un peu, quelques mauvais pas dans des pentes croulantes et nous gagnons le pied de l’arête sud de l’aiguille, ou l’escalade va pouvoir commencer dans un granit magnifique, aux teintes jaunes/ocres. La première longueur est superbe, le rocher impeccable, un peu difficile (5a) dans une dalle fissurée mais pas de quoi échauder Laurent. Je le rejoins au relais et enchaine avec une deuxième longueur plus facile en traversée au soleil. On se régale, le temps est parfait l’escalade magnifique, l’ambiance magique, des géants de neige, de roche et de glace apparaissent autour de nous les uns après les autres : ca y’est nous sommes bien dans le massif du Mont Blanc ! Nous enchainons encore une ou deux longueurs faciles et gagnons le pied de la fameuse cheminée aux feuillets jaunes (5a), sorte de couloir raide constitué de feuilles de granit jaune superposés et redressés verticalement. Je me lance dans la cheminée, et un peu effrayé par la solidité précaire de certains feuillets, je m’égare et me coince complètement dans la cheminée, comme bloqué entre les pages entrouvertes d’un livre de pierre géant. Quelques manipulations plus ou moins scabreuses (enlever le sac à dos, l’accrocher au baudrier pour le laisser pendre entre les pieds, se débloquer, le remettre), puis une désescalade me ramène au pied de la cheminée… Laurent prend le relais, et attaque avec une méthode complètement différente. Pas de coincement type « ranfougne », mais montée à l’extérieur des feuillets, les mains bien hautes entre les pages du livre, et les pieds en adhérence, mouvement d’escalade bien connue sous le nom de « Dulfer »… Passage physique, qui s’enchaine ensuite avec un couloir/cheminée plus classique dans lequel nous devrons franchir 3 blocs coincés successifs. De la grimpe athlétique et aussi artificielle, nous tirons sans états d’âmes sur un bon piton planté bien haut à côté du bloc. Ouf nous voilà sortis du « crux » (passage clé) de la voie. On se fait secouer dans du 5, plus aucuns doutes nous sommes bien à Chamonix… La suite de la voie se déroule sans encombre, une belle dernière longueur avec un pas de 5b et nous voici en haut de notre premier sommet, l’Aiguille Purtscheller à 3478m d’altitude ! Nous profitons d’un panorama exceptionnel sur le massif… Descente en 3 rappels dans la face nord, (avec petite incursion dans la rimaye me concernant…) puis de retour au col supérieur du Tour pour savourer notre premier casse-croute d’altitude. Enfin retour au refuge Albert 1er par une longue marche sur le glacier du Tour transformé en four solaire. Recette pour des alpinistes bien grillés : mettez-les sur un glacier à 3000m d’altitude vers 2h de l’après-midi, oubliez de leur mettre de la crème solaire, réglez le thermostat en mode canicule, et laissez les patauger dans la soupe pendant deux heures… Cuisson assurée.
Mardi 20 juin : Aiguille Purtscheller
Grand beau et très chaud ce mardi 20 juin. Même à 4h du matin et au 2771m d’altitude du refuge Albert 1er, nous ressentons les effets de la canicule : le regel est médiocre, nous pataugeons parfois dans la neige du glacier du Tour transformée en soupe… Nous partons donc dans la douceur en direction du col supérieur du Tour à 3289m d’altitude. Le col est atteint après environ 2h de marche sur le glacier du Tour et quelques hésitations m’étant complètement trompé de vallon… Le séjour commence bien va falloir que j’apprenne à lire un topo correctement… Bref, nous franchissons le col vers 7h du matin pour basculer sur le versant Suisse et gagner le pied de l’Aiguille Purtscheller, qui tend fièrement sa pointe aiguisée presque 200m plus haut. Nous remontons versant est dans une neige complètement pourrie par le soleil du matin. On brasse un peu, quelques mauvais pas dans des pentes croulantes et nous gagnons le pied de l’arête sud de l’aiguille, ou l’escalade va pouvoir commencer dans un granit magnifique, aux teintes jaunes/ocres. La première longueur est superbe, le rocher impeccable, un peu difficile (5a) dans une dalle fissurée mais pas de quoi échauder Laurent. Je le rejoins au relais et enchaine avec une deuxième longueur plus facile en traversée au soleil. On se régale, le temps est parfait l’escalade magnifique, l’ambiance magique, des géants de neige, de roche et de glace apparaissent autour de nous les uns après les autres : ca y’est nous sommes bien dans le massif du Mont Blanc ! Nous enchainons encore une ou deux longueurs faciles et gagnons le pied de la fameuse cheminée aux feuillets jaunes (5a), sorte de couloir raide constitué de feuilles de granit jaune superposés et redressés verticalement. Je me lance dans la cheminée, et un peu effrayé par la solidité précaire de certains feuillets, je m’égare et me coince complètement dans la cheminée, comme bloqué entre les pages entrouvertes d’un livre de pierre géant. Quelques manipulations plus ou moins scabreuses (enlever le sac à dos, l’accrocher au baudrier pour le laisser pendre entre les pieds, se débloquer, le remettre), puis une désescalade me ramène au pied de la cheminée… Laurent prend le relais, et attaque avec une méthode complètement différente. Pas de coincement type « ranfougne », mais montée à l’extérieur des feuillets, les mains bien hautes entre les pages du livre, et les pieds en adhérence, mouvement d’escalade bien connue sous le nom de « Dulfer »… Passage physique, qui s’enchaine ensuite avec un couloir/cheminée plus classique dans lequel nous devrons franchir 3 blocs coincés successifs. De la grimpe athlétique et aussi artificielle, nous tirons sans états d’âmes sur un bon piton planté bien haut à côté du bloc. Ouf nous voilà sortis du « crux » (passage clé) de la voie. On se fait secouer dans du 5, plus aucuns doutes nous sommes bien à Chamonix… La suite de la voie se déroule sans encombre, une belle dernière longueur avec un pas de 5b et nous voici en haut de notre premier sommet, l’Aiguille Purtscheller à 3478m d’altitude ! Nous profitons d’un panorama exceptionnel sur le massif… Descente en 3 rappels dans la face nord, (avec petite incursion dans la rimaye me concernant…) puis de retour au col supérieur du Tour pour savourer notre premier casse-croute d’altitude. Enfin retour au refuge Albert 1er par une longue marche sur le glacier du Tour transformé en four solaire. Recette pour des alpinistes bien grillés : mettez-les sur un glacier à 3000m d’altitude vers 2h de l’après-midi, oubliez de leur mettre de la crème solaire, réglez le thermostat en mode canicule, et laissez les patauger dans la soupe pendant deux heures… Cuisson assurée.
Mercredi 21 juin : Aiguille du Chardonnet
Levé 3h ce matin. Pour le troisième jour de vacance ça pique un peu, le stress Toulousain est encore présent et à ces heures en lune noire on ne voit pas grand-chose dehors sans frontale, pas de quoi se réveiller correctement… Je suis paumé sur la marche d’approche (on est passé au même endroit la veille) et on finit par devoir descendre une moraine sableuse et croulante pour rejoindre le glacier du Tour. On s’apercevra au retour qu’on était bien sur le bon chemin, c’est toujours plus facile en plein jour… Quelques minutes de perdues tout au plus mais un petit agacement quand même, la course visée ce jour (arête Forbes à l’Aiguille du Chardonnet) étant nettement plus sérieuse que la veille. Les conditions notamment pour la descente ne sont pas optimales rendant l’entreprise incertaine. L’Aiguille du Chardonnet fait partie de ses sommets dont le retour en vallée est parfois plus délicat que l’ascension en elle-même, bien défendue tantôt par d’abruptes pentes de glace, tantôt par de grandes barres rocheuses selon le versant. Un peu de tension donc, amplifiée en voyant au loin les frontales d’autres prétendants qui nous devancent d’au moins une heure… Nous serions nous levés trop tard ? N’avons-nous pas prévu assez de marge ? Fallait-il partir encore plus tôt pour profiter d’un bon regel sur le raide glacier de la Bosse ? Laurent me rassure, et nous avalons rapidement la marche d’approche sur le glacier du Tour, rattrapant même 3 cordées qui nous précédaient… Nous prenons quelques minutes pour nous équiper puis nous attaquons la voie vers 6h du matin. Un premier mur raide en bonne neige nous conduit dans une zone plus couchée du glacier mais aussi plus crevassée, nous slalomons un peu entre les trous béants. Puis nous tirons à droite pour passer une rimaye et gagner une arête neigeuse constituant une ligne de faiblesse dans le glacier de la Bosse étant partout ailleurs beaucoup plus raide. Nous sortons nos deuxièmes piolets traction pour gravir cette arête qui doit tout de même flirter avec les 50° et qui offre de belles portions en glace. De quoi faire chauffer nos mollets, bien calés sur les pointes avant de nos crampons. Je retrouve les sensations de l’hiver et de la cascade de glace, quel plaisir ! Cette première difficulté gravie nous débouchons sur la partie supérieure du glacier de la Bosse, et nous avons désormais en ligne de mire le premier gendarme de l’arête Forbes vers lequel nous montons tranquillement. Nous franchissons une rimaye par un dernier mur de glace un peu raide, puis prenons pied sur l’arête vers 7h du matin. Nous changeons d’encordement, nous rangeons les piolets, nous sortons coinceurs, sangles et friends pour attaquer l’escalade du premier gendarme. Laurent par en tête, je suis de près derrière en corde tendue. Les premiers pas de 4 dans le rocher et crampons aux pieds surprennent un peu, mais très vite la mécanique de la grimpe revient, et après quelques ajustements, de longueur de corde notamment, la course se déroule à bon rythme et en réversible, si bien que nous finissons par rattraper la première cordée qui s’était engagée dans la voie ce matin à l’occasion d’un premier rappel pour descendre d’un gendarme… Nous voilà rassuré sur notre rythme. Nous profitions de la vue exceptionnelle qui s’offre à nous, sous nos pieds à droite les pentes glacées et vertigineuses de la face nord du Chardonnet, sur notre gauche le bassin du glacier d’Argentière surplombé par les mythiques faces nord de la Verte, des Droites et des Courtes, haut lieux de l’alpinisme de haut niveau… On se sent minuscule fourmis posés sur le dos de géants de glace. L’escalade continue sur le même thème : alternance de rochers faciles (passages de 3, parfois 4), contournement de gendarmes plus difficiles en traversée dans la glace de la face nord, passages sur arêtes effilés en neige, désescalade, petit rappels… Malgré le mal de l’altitude qui me gagne, nous finissons par doubler la cordée qui nous précède, et vers 11h30 nous atteignons le sommet de l’Aiguille du Chardonnet à 3824m ! Petit moment de répit, joie partagée et quelques photos, mais déjà nous sommes gagnés par le stress de la redescente. Nous prenons tout de même quelques minutes pour boire et avaler quelques barres de céréales, puis nous commençons la longue descente. Nous poursuivons plein ouest sur une arête effilée, puis après quelques hésitations nous gagnons le couloir de descente de la voie normale. Comme redouté, le couloir est presque totalement en glace, chose rare pour une mi-juin, mais nous étions prévenus, les conditions en cette année 2017 sont plus proches de ce qu’il est habituellement observé début Août… Soit, nous faisons avec et commençons donc à descendre en rappel. Je me sens de plus en plus mal, mon mal de tête est désormais accompagné de nausées et je n’ai plus de forces. Je ne m’inquiète pas outre mesure étant habitué de ces « états seconds » qu’offre parfois sans qu’on le veuille les hautes altitudes. Je prends donc mon mal en patience en me disant que plus vite on descendra mieux ça ira. Mais comment font les himalayistes pour supporter cet état des jours durant ? Laurent assure la descente et se charge de trouver puis d’installer tous les rappels, je fais mon boulot de second : se vacher au relais, défaire son système de rappel, tirer le bon brin de corde (coté nœud), faire attention à le tirer doucement pour ne pas faire tomber des blocs, pour ne pas coincer la corde au-dessus de nous, puis une fois le nœud récupéré, rappeler puis lover l’autre brin de corde, le lancer, attendre que Laurent descende plus bas au relais suivant, s’installer sur les cordes, descendre… et ainsi de suite. Nous enchainons comme cela environ 6 ou 7 rappels, avant d’atteindre une zone rocheuse plus couchée et dépourvue de neige. On se dit que le mieux est d’y descendre à pied le plus longtemps possible jusqu’à atteindre le bord de la grande barre rocheuse qui surplombe le glacier de l’Epaule. Nous nous exécutons, en visant l’aiguille Adams Reilly plein ouest de l’autre côté du glacier comme indiqué par le gardien du refuge. Nous descendons comme cela sur environ 100 à 200m de dénivelé et comme prévu nous « butons » en haut de la barre rocheuse. S’offrent alors plusieurs choix possibles : prendre un couloir de glace légèrement à gauche, aller à droite dans un couloir profond ou bien le traverser et gagner d’autres lignes de rappels plus à droite (rappels du topo). Le choix est vite fait, à gauche nous avons peur de descendre du mauvais côté vers Argentière et la traversée du couloir vers la droite dans la glace ne nous enchante pas. Ce sera donc le couloir de droite. Les deux ou trois premiers rappels se font bien haut en rive gauche du couloir, sans trop de soucis, mais nous finissons par nous engager complètement dans le couloir, l’ambiance est alors de plus en plus glauque. Glace raide, rochers et gros blocs instables, chutes de pierres… On ne pense qu’à une chose, partir d’ici et gagner le haut du glacier de l’Epaule au plus vite ! Laurent passera d’ailleurs très près de se faire vraiment mal, en arrivant sur un relais, des blocs pourris se décrochent et lui entame bien le bras, heureusement qu’ils ne sont pas partis de trop haut… Plus de peur que de mal donc ; il nous tarde vraiment sortir de ce couloir. Nous enchainons au plus vite les derniers rappels et gagnons enfin le col du glacier de l’Epaule ! Nous voici soulagés. Encore un dernier rappel dans la neige pour passer la rimaye, puis nous arrivons dans une zone plus couchée du glacier, coupé en deux par une énorme crevasse. Seul subsiste encore un frêle pont de neige au milieu, nous le franchirons un par un après avoir pris soin de faire un relais sur piolet (piolet enfoncé entièrement dans la neige, assis dessus pour ne pas l’arracher et demi cabestan pour l’assurage). On serre les fesses on croit se faire tout léger et on passe la dernière difficulté de la journée. Nous reste alors une longue marche sur le glacier du Tour pour rentrer au refuge en mode zombi… Nous y sommes de retour vers 17h30, soit 13h30 après l’avoir quitté. Nous n’avons toujours pas mangé, il est trop tard pour rejoindre le téléphérique, nous décidons de rester une nuit de plus au refuge pour se reposer et profiter d’une belle nuit de plus en montagne, heureux de cette belle journée…
Levé 3h ce matin. Pour le troisième jour de vacance ça pique un peu, le stress Toulousain est encore présent et à ces heures en lune noire on ne voit pas grand-chose dehors sans frontale, pas de quoi se réveiller correctement… Je suis paumé sur la marche d’approche (on est passé au même endroit la veille) et on finit par devoir descendre une moraine sableuse et croulante pour rejoindre le glacier du Tour. On s’apercevra au retour qu’on était bien sur le bon chemin, c’est toujours plus facile en plein jour… Quelques minutes de perdues tout au plus mais un petit agacement quand même, la course visée ce jour (arête Forbes à l’Aiguille du Chardonnet) étant nettement plus sérieuse que la veille. Les conditions notamment pour la descente ne sont pas optimales rendant l’entreprise incertaine. L’Aiguille du Chardonnet fait partie de ses sommets dont le retour en vallée est parfois plus délicat que l’ascension en elle-même, bien défendue tantôt par d’abruptes pentes de glace, tantôt par de grandes barres rocheuses selon le versant. Un peu de tension donc, amplifiée en voyant au loin les frontales d’autres prétendants qui nous devancent d’au moins une heure… Nous serions nous levés trop tard ? N’avons-nous pas prévu assez de marge ? Fallait-il partir encore plus tôt pour profiter d’un bon regel sur le raide glacier de la Bosse ? Laurent me rassure, et nous avalons rapidement la marche d’approche sur le glacier du Tour, rattrapant même 3 cordées qui nous précédaient… Nous prenons quelques minutes pour nous équiper puis nous attaquons la voie vers 6h du matin. Un premier mur raide en bonne neige nous conduit dans une zone plus couchée du glacier mais aussi plus crevassée, nous slalomons un peu entre les trous béants. Puis nous tirons à droite pour passer une rimaye et gagner une arête neigeuse constituant une ligne de faiblesse dans le glacier de la Bosse étant partout ailleurs beaucoup plus raide. Nous sortons nos deuxièmes piolets traction pour gravir cette arête qui doit tout de même flirter avec les 50° et qui offre de belles portions en glace. De quoi faire chauffer nos mollets, bien calés sur les pointes avant de nos crampons. Je retrouve les sensations de l’hiver et de la cascade de glace, quel plaisir ! Cette première difficulté gravie nous débouchons sur la partie supérieure du glacier de la Bosse, et nous avons désormais en ligne de mire le premier gendarme de l’arête Forbes vers lequel nous montons tranquillement. Nous franchissons une rimaye par un dernier mur de glace un peu raide, puis prenons pied sur l’arête vers 7h du matin. Nous changeons d’encordement, nous rangeons les piolets, nous sortons coinceurs, sangles et friends pour attaquer l’escalade du premier gendarme. Laurent par en tête, je suis de près derrière en corde tendue. Les premiers pas de 4 dans le rocher et crampons aux pieds surprennent un peu, mais très vite la mécanique de la grimpe revient, et après quelques ajustements, de longueur de corde notamment, la course se déroule à bon rythme et en réversible, si bien que nous finissons par rattraper la première cordée qui s’était engagée dans la voie ce matin à l’occasion d’un premier rappel pour descendre d’un gendarme… Nous voilà rassuré sur notre rythme. Nous profitions de la vue exceptionnelle qui s’offre à nous, sous nos pieds à droite les pentes glacées et vertigineuses de la face nord du Chardonnet, sur notre gauche le bassin du glacier d’Argentière surplombé par les mythiques faces nord de la Verte, des Droites et des Courtes, haut lieux de l’alpinisme de haut niveau… On se sent minuscule fourmis posés sur le dos de géants de glace. L’escalade continue sur le même thème : alternance de rochers faciles (passages de 3, parfois 4), contournement de gendarmes plus difficiles en traversée dans la glace de la face nord, passages sur arêtes effilés en neige, désescalade, petit rappels… Malgré le mal de l’altitude qui me gagne, nous finissons par doubler la cordée qui nous précède, et vers 11h30 nous atteignons le sommet de l’Aiguille du Chardonnet à 3824m ! Petit moment de répit, joie partagée et quelques photos, mais déjà nous sommes gagnés par le stress de la redescente. Nous prenons tout de même quelques minutes pour boire et avaler quelques barres de céréales, puis nous commençons la longue descente. Nous poursuivons plein ouest sur une arête effilée, puis après quelques hésitations nous gagnons le couloir de descente de la voie normale. Comme redouté, le couloir est presque totalement en glace, chose rare pour une mi-juin, mais nous étions prévenus, les conditions en cette année 2017 sont plus proches de ce qu’il est habituellement observé début Août… Soit, nous faisons avec et commençons donc à descendre en rappel. Je me sens de plus en plus mal, mon mal de tête est désormais accompagné de nausées et je n’ai plus de forces. Je ne m’inquiète pas outre mesure étant habitué de ces « états seconds » qu’offre parfois sans qu’on le veuille les hautes altitudes. Je prends donc mon mal en patience en me disant que plus vite on descendra mieux ça ira. Mais comment font les himalayistes pour supporter cet état des jours durant ? Laurent assure la descente et se charge de trouver puis d’installer tous les rappels, je fais mon boulot de second : se vacher au relais, défaire son système de rappel, tirer le bon brin de corde (coté nœud), faire attention à le tirer doucement pour ne pas faire tomber des blocs, pour ne pas coincer la corde au-dessus de nous, puis une fois le nœud récupéré, rappeler puis lover l’autre brin de corde, le lancer, attendre que Laurent descende plus bas au relais suivant, s’installer sur les cordes, descendre… et ainsi de suite. Nous enchainons comme cela environ 6 ou 7 rappels, avant d’atteindre une zone rocheuse plus couchée et dépourvue de neige. On se dit que le mieux est d’y descendre à pied le plus longtemps possible jusqu’à atteindre le bord de la grande barre rocheuse qui surplombe le glacier de l’Epaule. Nous nous exécutons, en visant l’aiguille Adams Reilly plein ouest de l’autre côté du glacier comme indiqué par le gardien du refuge. Nous descendons comme cela sur environ 100 à 200m de dénivelé et comme prévu nous « butons » en haut de la barre rocheuse. S’offrent alors plusieurs choix possibles : prendre un couloir de glace légèrement à gauche, aller à droite dans un couloir profond ou bien le traverser et gagner d’autres lignes de rappels plus à droite (rappels du topo). Le choix est vite fait, à gauche nous avons peur de descendre du mauvais côté vers Argentière et la traversée du couloir vers la droite dans la glace ne nous enchante pas. Ce sera donc le couloir de droite. Les deux ou trois premiers rappels se font bien haut en rive gauche du couloir, sans trop de soucis, mais nous finissons par nous engager complètement dans le couloir, l’ambiance est alors de plus en plus glauque. Glace raide, rochers et gros blocs instables, chutes de pierres… On ne pense qu’à une chose, partir d’ici et gagner le haut du glacier de l’Epaule au plus vite ! Laurent passera d’ailleurs très près de se faire vraiment mal, en arrivant sur un relais, des blocs pourris se décrochent et lui entame bien le bras, heureusement qu’ils ne sont pas partis de trop haut… Plus de peur que de mal donc ; il nous tarde vraiment sortir de ce couloir. Nous enchainons au plus vite les derniers rappels et gagnons enfin le col du glacier de l’Epaule ! Nous voici soulagés. Encore un dernier rappel dans la neige pour passer la rimaye, puis nous arrivons dans une zone plus couchée du glacier, coupé en deux par une énorme crevasse. Seul subsiste encore un frêle pont de neige au milieu, nous le franchirons un par un après avoir pris soin de faire un relais sur piolet (piolet enfoncé entièrement dans la neige, assis dessus pour ne pas l’arracher et demi cabestan pour l’assurage). On serre les fesses on croit se faire tout léger et on passe la dernière difficulté de la journée. Nous reste alors une longue marche sur le glacier du Tour pour rentrer au refuge en mode zombi… Nous y sommes de retour vers 17h30, soit 13h30 après l’avoir quitté. Nous n’avons toujours pas mangé, il est trop tard pour rejoindre le téléphérique, nous décidons de rester une nuit de plus au refuge pour se reposer et profiter d’une belle nuit de plus en montagne, heureux de cette belle journée…
Samedi 24 juin : Aiguille de Rochefort
Après une journée de repos en vallée et une journée de transfert en Italie, nous voici au refuge de Torino au pied de l’impressionnant (le mot est faible) versant est du Mont Blanc. Il est 5h du matin, nous nous mettons en route sur le glacier du Géant en direction de la dent éponyme. Le ciel est perturbé ce matin, et nous n’avons pas encore eu la chance de voir l’intégralité de la face est du Mont Blanc. Le vent souffle, le regel est médiocre, il doit vraiment faire très très chaud en plaine… Nous avançons sur le glacier à bon rythme, le séjour au refuge Albert 1er nous a fait du bien, tant techniquement que physiquement. Nous atteignons rapidement les soubassements de la dent du Géant, d’abord un petit couloir de neige, puis un cheminement compliqué dans des rochers quelques peu délicats nous conduisent au départ de la magnifique arête de Rochefort. Le ciel est chargé, le vent souffle mais pas de quoi renoncer encore, nous nous élançons alors sur l’arête. La vue est saisissante, l’arête de neige très effilée court d’est en ouest entre l’Aiguille de Rochefort (devant nous) et la Dent du Géant (derrière nous). Nous sommes comme suspendus en plein ciel à une altitude avoisinant les 4000m, le pied droit en Italie, le pied gauche en France. Le plaisir est immense, les difficultés raisonnables, le tout étant d’assurer chacun de nos pas : dévissage interdit. L’arête globalement en neige, parfois cornichée, parfois très effilée, est ponctuée de petits passages rocheux faciles. Nous atteignons rapidement un premier avant sommet à 3933m depuis lequel nous sommes censés faire un petit rappel. Le ciel est désormais très couvert, nous nous demandons comment cela va évoluer, des rochers pourris tombes sous nos pieds, le brouillard gagne l’arête, en un instant l’arête de neige lumineuse se transforme en morne promontoire au rocher glauque. On ne voit même pas ou le rappel est censé nous mener : A gauche dans la glace côté Français ? Ou bien à droite dans les rochers pourris côté Italien ? Nous hésitons quelques minutes, puis décidons de renoncer. Demi-tour, nous voici repartis dans l’autre sens après avoir fait environ la moitié de l’arête. Un petit coup au moral, mais nous nous consolons en se disant que nous en avons déjà bien profité. Puis, en un instant à nouveau, alors que nous sommes quasiment de retour au pied de la dent du Géant, le ciel bleu envahit à nouveau l’horizon… Que faire ? Descendre à regret ? Ou repartir ? Nous choisissons la deuxième option, aussi vite que le ciel s’est dégagé. Depuis que nous sommes arrivés ici la veille, le ciel n’avait jamais était aussi propre : on continue ! Nous refaisons donc la première moitié de l’arête pour la troisième fois. Puis nous installons le rappel sous l’avant sommet à 3933m, côté Français dans une pente de glace. Je prends soin de laisser quelques sangles pour pouvoir remonter au retour. Ce petit rappel effectué, nous continuons sur l’arête de nouveau en neige et très effilée. Moins de traces ici, nous prenons donc notre temps pour assurer nos pas et bien planter nos crampons. Nous gagnons le pied de l’Aiguille de Rochefort, je me demande, un instant si cela vaut bien la peine d’y grimper, tant le rocher semble être des plus douteux vue d’ici. Mais finalement au fur et à mesure qu’on s’en approche, une ligne de faiblesse naturelle, dans du bon rocher, semble se dessiner. Ce sera le cas, je gravi en tête les 3 longueurs qui nous séparent encore du sommet, quelques jolis pas de 3 voire de 4 dans de belles fissures, d’autres zones un peu plus délicates et me voici en haut de l’Aiguille de Rochefort à 4001m d’altitude ! Ma joie est immense. Ma forme physique et morale contraste avec l’année passée, ai-je franchi un cap aujourd’hui ? Je profite de l’instant que je partage avec Laurent. Encore une première avec lui. Premier canyon en Sierra de Guara, première sortie alpinisme dans les Pyrénées, première grande voie à la Jonte et aujourd’hui premier 4000 ! Après ces quelques minutes au sommet, nous repartons en sens inverse, un peu de désescalade, deux rappels et nous voici de retour sur l’arête que nous parcourons en sens inverse. On se régale, nous restons concentrés sur les parties effilées, et une petite longueur de glace me ravi, les sensations de l’hiver reviennent vite ! De retour au pied de la dent du Géant nous savourons notre casse-croute et prenons le temps avant de redescendre au refuge. Une belle journée d’alpinisme !
Après une journée de repos en vallée et une journée de transfert en Italie, nous voici au refuge de Torino au pied de l’impressionnant (le mot est faible) versant est du Mont Blanc. Il est 5h du matin, nous nous mettons en route sur le glacier du Géant en direction de la dent éponyme. Le ciel est perturbé ce matin, et nous n’avons pas encore eu la chance de voir l’intégralité de la face est du Mont Blanc. Le vent souffle, le regel est médiocre, il doit vraiment faire très très chaud en plaine… Nous avançons sur le glacier à bon rythme, le séjour au refuge Albert 1er nous a fait du bien, tant techniquement que physiquement. Nous atteignons rapidement les soubassements de la dent du Géant, d’abord un petit couloir de neige, puis un cheminement compliqué dans des rochers quelques peu délicats nous conduisent au départ de la magnifique arête de Rochefort. Le ciel est chargé, le vent souffle mais pas de quoi renoncer encore, nous nous élançons alors sur l’arête. La vue est saisissante, l’arête de neige très effilée court d’est en ouest entre l’Aiguille de Rochefort (devant nous) et la Dent du Géant (derrière nous). Nous sommes comme suspendus en plein ciel à une altitude avoisinant les 4000m, le pied droit en Italie, le pied gauche en France. Le plaisir est immense, les difficultés raisonnables, le tout étant d’assurer chacun de nos pas : dévissage interdit. L’arête globalement en neige, parfois cornichée, parfois très effilée, est ponctuée de petits passages rocheux faciles. Nous atteignons rapidement un premier avant sommet à 3933m depuis lequel nous sommes censés faire un petit rappel. Le ciel est désormais très couvert, nous nous demandons comment cela va évoluer, des rochers pourris tombes sous nos pieds, le brouillard gagne l’arête, en un instant l’arête de neige lumineuse se transforme en morne promontoire au rocher glauque. On ne voit même pas ou le rappel est censé nous mener : A gauche dans la glace côté Français ? Ou bien à droite dans les rochers pourris côté Italien ? Nous hésitons quelques minutes, puis décidons de renoncer. Demi-tour, nous voici repartis dans l’autre sens après avoir fait environ la moitié de l’arête. Un petit coup au moral, mais nous nous consolons en se disant que nous en avons déjà bien profité. Puis, en un instant à nouveau, alors que nous sommes quasiment de retour au pied de la dent du Géant, le ciel bleu envahit à nouveau l’horizon… Que faire ? Descendre à regret ? Ou repartir ? Nous choisissons la deuxième option, aussi vite que le ciel s’est dégagé. Depuis que nous sommes arrivés ici la veille, le ciel n’avait jamais était aussi propre : on continue ! Nous refaisons donc la première moitié de l’arête pour la troisième fois. Puis nous installons le rappel sous l’avant sommet à 3933m, côté Français dans une pente de glace. Je prends soin de laisser quelques sangles pour pouvoir remonter au retour. Ce petit rappel effectué, nous continuons sur l’arête de nouveau en neige et très effilée. Moins de traces ici, nous prenons donc notre temps pour assurer nos pas et bien planter nos crampons. Nous gagnons le pied de l’Aiguille de Rochefort, je me demande, un instant si cela vaut bien la peine d’y grimper, tant le rocher semble être des plus douteux vue d’ici. Mais finalement au fur et à mesure qu’on s’en approche, une ligne de faiblesse naturelle, dans du bon rocher, semble se dessiner. Ce sera le cas, je gravi en tête les 3 longueurs qui nous séparent encore du sommet, quelques jolis pas de 3 voire de 4 dans de belles fissures, d’autres zones un peu plus délicates et me voici en haut de l’Aiguille de Rochefort à 4001m d’altitude ! Ma joie est immense. Ma forme physique et morale contraste avec l’année passée, ai-je franchi un cap aujourd’hui ? Je profite de l’instant que je partage avec Laurent. Encore une première avec lui. Premier canyon en Sierra de Guara, première sortie alpinisme dans les Pyrénées, première grande voie à la Jonte et aujourd’hui premier 4000 ! Après ces quelques minutes au sommet, nous repartons en sens inverse, un peu de désescalade, deux rappels et nous voici de retour sur l’arête que nous parcourons en sens inverse. On se régale, nous restons concentrés sur les parties effilées, et une petite longueur de glace me ravi, les sensations de l’hiver reviennent vite ! De retour au pied de la dent du Géant nous savourons notre casse-croute et prenons le temps avant de redescendre au refuge. Une belle journée d’alpinisme !
Dimanche 25 juin : Pyramide du Tacul
La nuit a été pluvieuse, à 4h du matin au son du réveil Laurent regarde dehors : zéro visibilité, brouillard… On se recouche ! 2h plus tard le brouillard semble se déchirer peu à peu laissant entrevoir quelques parties de ciel légèrement bleutées. De quoi nous motiver pour nous lancer vers la Pyramide du Tacul (3488m), petit sommet rocheux, satellite de l’immense face est du Mont Blanc du Tacul. La journée commence par une petite heure d’approche sur le glacier du Géant. Approche courte mais non sans dangers, nous passons sur de fragiles ponts de neige perchés au-dessus d’énormes crevasses. Je finirai d’ailleurs par passer au travers de l’un d’eux m’étant écarté de seulement quelques mètres de la trace pour retendre la corde entre Laurent et moi… La règle « corde tenue » de mise sur glacier prend alors tout son sens, heureusement je ne tombe dans le trou qu’à mi- buste, les deux bras et surtout mon piolet hors de la crevasse. Je cramponne en pointe avant dans la lèvre de la crevasse et bien aidé par Laurent et mon piolet je ressors à plat ventre. Petite montée d’adrénaline… Surtout qu’il faudra repasser par ici après avoir grimpé au Tacul…. Je me remets de mes émotions et nous poursuivons notre route en direction de la base de la Pyramide du Tacul, décidément bien défendue. Nous sommes désormais potentiellement exposés dans une zone de chute de séracs, nous ne trainons pas dans la zone, et gagnons rapidement le pied de la voie bien abrité. Nous déposons crampons, piolets et matériel de glace et je commence à grimper dans la première longueur de la voie. Nous sommes peut-être un peu hauts par rapport au départ habituel, j’improvise donc une petite traversée en ascendance à droite, le long d’une très belle écaille et qui me ramène sur le fil de l’arête. Je continue ensuite en tête sur les 5 longueurs suivantes, Laurent ne se sentant pas au meilleur de sa forme. L’escalade est magnifique, d’un niveau homogène (4sup) et dans un granit excellent. Fissures, dièdres, écailles… Un régal ! Quelques passages me donnent tout de même un peu de fil à retordre et quelques sueurs en grosses… Pas de quoi gâcher mon plaisir tout de même, tant les longueurs sont toutes plus belles les unes que les autres et l’ambiance incroyable : entourés de glaciers et de séracs, ciel capricieux, de petites averses de neige, des montées de brouillard, des chutes de pierre au loin dans la Pointe Adolphe Rey… Nous devons malgré tout mettre terme à l’escalade vers midi, 3 longueurs sous le sommet. Etant partis tard à cause de la météo, nous ne voulons pas devoir courir sur le glacier pour arriver à prendre la dernière benne à la Pointe Helbronner. Nous rejoignons donc la face sud est de la Pyramide qui nous dépose en 5 rappels au pied de la voie. Même si le sommet n’est pas atteint aujourd’hui, le plaisir est bien là ! Pique-nique au pied de la voie et retour par le même chemin sur le glacier du Géant en prenant soin de bien choisir notre trace au milieu des crevasses. Cette fois pas d’exploration improvisée des mondes souterrains… Nous regagnons le refuge de Torino, puis le « skyway » de la Pointe Helbronner : son design futuriste, sa cabine tournante à 360°, ses nombreux touristes et un nouveau modèle de Mercedes déposé au sommet en hélico pour une présentation à la presse… Triste retour au monde réel, mais bien content tout de même de redescendre les 2000m de dénivelé qui nous séparent de la vallée sans efforts. Toutes les contradictions qui nous habitent (tous ?) dans notre époque sont résumées ici en quelques kilomètres. Une voiture trône au sommet de la pointe Helbronner à 3462m, bien au-dessus des glaciers terriblement malades du réchauffement climatique. Des alpinistes regagnent la vallée de Courmayeur en téléphérique, avant de prendre le tunnel du Mont Blanc pour rejoindre Chamonix. Je ne peux pas m’empêcher de culpabiliser… Je repense à une phrase de Sylvain Tesson : « A partir de quand le monde occidental s’est mis à considérer la nature comme un immense terrain de sport ? »
La nuit a été pluvieuse, à 4h du matin au son du réveil Laurent regarde dehors : zéro visibilité, brouillard… On se recouche ! 2h plus tard le brouillard semble se déchirer peu à peu laissant entrevoir quelques parties de ciel légèrement bleutées. De quoi nous motiver pour nous lancer vers la Pyramide du Tacul (3488m), petit sommet rocheux, satellite de l’immense face est du Mont Blanc du Tacul. La journée commence par une petite heure d’approche sur le glacier du Géant. Approche courte mais non sans dangers, nous passons sur de fragiles ponts de neige perchés au-dessus d’énormes crevasses. Je finirai d’ailleurs par passer au travers de l’un d’eux m’étant écarté de seulement quelques mètres de la trace pour retendre la corde entre Laurent et moi… La règle « corde tenue » de mise sur glacier prend alors tout son sens, heureusement je ne tombe dans le trou qu’à mi- buste, les deux bras et surtout mon piolet hors de la crevasse. Je cramponne en pointe avant dans la lèvre de la crevasse et bien aidé par Laurent et mon piolet je ressors à plat ventre. Petite montée d’adrénaline… Surtout qu’il faudra repasser par ici après avoir grimpé au Tacul…. Je me remets de mes émotions et nous poursuivons notre route en direction de la base de la Pyramide du Tacul, décidément bien défendue. Nous sommes désormais potentiellement exposés dans une zone de chute de séracs, nous ne trainons pas dans la zone, et gagnons rapidement le pied de la voie bien abrité. Nous déposons crampons, piolets et matériel de glace et je commence à grimper dans la première longueur de la voie. Nous sommes peut-être un peu hauts par rapport au départ habituel, j’improvise donc une petite traversée en ascendance à droite, le long d’une très belle écaille et qui me ramène sur le fil de l’arête. Je continue ensuite en tête sur les 5 longueurs suivantes, Laurent ne se sentant pas au meilleur de sa forme. L’escalade est magnifique, d’un niveau homogène (4sup) et dans un granit excellent. Fissures, dièdres, écailles… Un régal ! Quelques passages me donnent tout de même un peu de fil à retordre et quelques sueurs en grosses… Pas de quoi gâcher mon plaisir tout de même, tant les longueurs sont toutes plus belles les unes que les autres et l’ambiance incroyable : entourés de glaciers et de séracs, ciel capricieux, de petites averses de neige, des montées de brouillard, des chutes de pierre au loin dans la Pointe Adolphe Rey… Nous devons malgré tout mettre terme à l’escalade vers midi, 3 longueurs sous le sommet. Etant partis tard à cause de la météo, nous ne voulons pas devoir courir sur le glacier pour arriver à prendre la dernière benne à la Pointe Helbronner. Nous rejoignons donc la face sud est de la Pyramide qui nous dépose en 5 rappels au pied de la voie. Même si le sommet n’est pas atteint aujourd’hui, le plaisir est bien là ! Pique-nique au pied de la voie et retour par le même chemin sur le glacier du Géant en prenant soin de bien choisir notre trace au milieu des crevasses. Cette fois pas d’exploration improvisée des mondes souterrains… Nous regagnons le refuge de Torino, puis le « skyway » de la Pointe Helbronner : son design futuriste, sa cabine tournante à 360°, ses nombreux touristes et un nouveau modèle de Mercedes déposé au sommet en hélico pour une présentation à la presse… Triste retour au monde réel, mais bien content tout de même de redescendre les 2000m de dénivelé qui nous séparent de la vallée sans efforts. Toutes les contradictions qui nous habitent (tous ?) dans notre époque sont résumées ici en quelques kilomètres. Une voiture trône au sommet de la pointe Helbronner à 3462m, bien au-dessus des glaciers terriblement malades du réchauffement climatique. Des alpinistes regagnent la vallée de Courmayeur en téléphérique, avant de prendre le tunnel du Mont Blanc pour rejoindre Chamonix. Je ne peux pas m’empêcher de culpabiliser… Je repense à une phrase de Sylvain Tesson : « A partir de quand le monde occidental s’est mis à considérer la nature comme un immense terrain de sport ? »
Lundi 27 juin : Clocher de Planpraz
De retour du versant Italien, la soirée du dimanche confirme nos inquiétudes météorologiques… Verdict : temps perturbé toute la semaine sur le massif du Mont Blanc. Je suis traversé par plusieurs sentiments qui se mêlent les uns aux autres. Déception : d’être ici, en forme, acclimaté à l’altitude, prêt pour la grande traversée du Mont blanc. Joie : d’avoir déjà effectué 4 belles ascensions en une semaine. Optimisme : le Mont Blanc restera là bien après moi, j’ai le temps d’y revenir. Doute : aurions-nous pu en optimisant mieux la première semaine, effectuer la traversée avant l’arrivée du mauvais temps ? Tout se mélange. Nous décidons de rester encore au moins la journée du lundi en optimisant les créneaux de beau temps matinaux. Direction le téléphérique du Brévent qui nous dépose au cœur du massif des Aiguilles Rouges qui fait face au Mont Blanc de l’autre côté de la vallée de Chamonix pour l’ascension du Clocher de Planpraz, beau sommet de gneiss (qui rappelle le Caroux) perché à 2412m d’altitude. Nous partons dans la voie « cocher cochon » en réversible. De belles longueurs équipées (6a max), un rocher excellent, un grand plaisir, une vue incroyable sur le Mont Blanc et le soleil en prime !
De retour du versant Italien, la soirée du dimanche confirme nos inquiétudes météorologiques… Verdict : temps perturbé toute la semaine sur le massif du Mont Blanc. Je suis traversé par plusieurs sentiments qui se mêlent les uns aux autres. Déception : d’être ici, en forme, acclimaté à l’altitude, prêt pour la grande traversée du Mont blanc. Joie : d’avoir déjà effectué 4 belles ascensions en une semaine. Optimisme : le Mont Blanc restera là bien après moi, j’ai le temps d’y revenir. Doute : aurions-nous pu en optimisant mieux la première semaine, effectuer la traversée avant l’arrivée du mauvais temps ? Tout se mélange. Nous décidons de rester encore au moins la journée du lundi en optimisant les créneaux de beau temps matinaux. Direction le téléphérique du Brévent qui nous dépose au cœur du massif des Aiguilles Rouges qui fait face au Mont Blanc de l’autre côté de la vallée de Chamonix pour l’ascension du Clocher de Planpraz, beau sommet de gneiss (qui rappelle le Caroux) perché à 2412m d’altitude. Nous partons dans la voie « cocher cochon » en réversible. De belles longueurs équipées (6a max), un rocher excellent, un grand plaisir, une vue incroyable sur le Mont Blanc et le soleil en prime !
UMardi 28 juin : Pointe Gaspard
Après cette belle ascension la veille dans les Aiguilles Rouges, un créneau météo semble se dessiner pour mardi matin. On remet ça, et cette fois c’est le téléphérique de la Flégère qui nous dépose à seulement 30 minutes de marche de la Pointe Gaspard que nous gravissons par la voie « Gaspard 1er ». L’escalade est plus facile que la veille (5b+ max), mais tout aussi variée et belle. Les montées de brouillard rajoutent à l’ambiance très montagne déjà bien soulignée par les restes de névés aux alentours. Un beau dernier sommet à 2741m d’altitude pour clore ce magnifique séjour en vallée de Chamonix ! Un GRAND merci à toi Laurent!
Après cette belle ascension la veille dans les Aiguilles Rouges, un créneau météo semble se dessiner pour mardi matin. On remet ça, et cette fois c’est le téléphérique de la Flégère qui nous dépose à seulement 30 minutes de marche de la Pointe Gaspard que nous gravissons par la voie « Gaspard 1er ». L’escalade est plus facile que la veille (5b+ max), mais tout aussi variée et belle. Les montées de brouillard rajoutent à l’ambiance très montagne déjà bien soulignée par les restes de névés aux alentours. Un beau dernier sommet à 2741m d’altitude pour clore ce magnifique séjour en vallée de Chamonix ! Un GRAND merci à toi Laurent!